Transition écologique de l’aviation : projet ambitieux ou utopie ?

Depuis quelques années, avec l’accélération du réchauffement climatique qui inquiète de plus en plus scientifiques, politiciens et citoyens, tous les moyens sont bons pour ralentir cette menace écologique, en se focalisant sur les principaux acteurs de la société : agriculture, industries et transports. Parmi les différents moyens de transport, l’un d’eux est souvent pointée du doigt comme étant le moyen le plus polluant : l’avion.
En effet, depuis plusieurs années maintenant, le secteur de l’aviation est devenue la bête noire de l’écologie, au point qu’il existe désormais une « honte de prendre l’avion » par peur des émissions de CO². Ce « mouvement » a débuté en Suède sous le nom de flygskam et, a eu comme répercussion, une réduction de l’utilisation des transports aériens pour les vols dits « intérieurs » en préférant le transport ferroviaire.
C’est donc une course à la transition écologique qui s’est lancée auprès des grands constructeurs d’aéronefs afin de récupérer leurs passagers et permettre à l’aviation de redorer son blason en ayant un impact moindre sur le réchauffement climatique. Plusieurs idées novatrices ont déjà été présentées comme prometteuses face à cette inquiétude générale, mais sont-elles réellement les meilleures solutions pour réduire les émission CO² ?

L’hydrogène, mais à quel prix ?

La première solution de l’hydrogène est aussi celle qui fait le plus entendre parler d’elle, puisqu’elle a déjà été mentionnée lors d’interviews comme celle de Guillaume Faury, actuel dirigeant d’Airbus, qui qualifiait son projet de « zéro carbone » grâce à l’hydrogène. Cependant, il semblerait que l’ingénieur ait oublié que la production actuelle de l’hydrogène est fortement émettrice de gaz à effet de serre. Le kérosène reste actuellement moins émetteur de gaz à effet de serre que l’hydrogène.
Pour rappel : l’hydrogène n’est pas une source d’énergie, c’est un vecteur d’énergie comme l’électricité : il n’existe pas naturellement, il doit être produit et c’est seulement après cette production qu’une partie de cette énergie peut être libérée pour différent usages, dont l’aviation un jour peut-être.
De plus, le rendement de l’électrolyse de l’hydrogène est plus faible que celui des sources énergétiques fossiles. Pour visualiser plus facilement ce rendement : s’il fallait alimenter Paris-Charles-De-Gaulle en hydrogène, il faudrait 16 réacteurs nucléaires ou l’équivalent d’un département français recouvert entièrement d’éoliennes !
L’hydrogène sous forme gazeuse n’a pas non plus vocation à être utilisée directement comme carburant pour l’aviation à cause de la taille de réservoir nécessaire pour son transport (exemple du Tupolev 155), en plus d’être difficile à manipuler et de son coût prohibitif.

Malgré ces points négatifs de l’hydrogène, des chercheurs tentent quand même de l’exploiter différemment afin que son impact sur le réchauffement climatique soit le plus minime possible. L’expérience Sun to Liquid est justement prometteuse pour ça : elle consiste à placer au cœur d’un four solaire un mélange de vapeur d’eau et de CO² en présence d’un catalyseur. Le craquage de l’eau à très haute température permet d’obtenir l’hydrogène et le CO² peut se transformer en CO (monoxyde de carbone) dans les mêmes conditions. L’expérience démontre qu’il est possible en une seule réaction d’obtenir du syngas (gaz de synthèse), mélange de CO et et H², qui est ensuite transformé en kérosène pour l’aviation par le procédé Fischer-Tropsch (FT). Le FT a été utilisé pendant le 3ème Reich et plus récemment à l’USAF pour faire voler des B52 en carburant synthétique qui est très pur et ne dégage aucune fumée, aucune particule nocive, ce qui élimine à la base les autres formes de pollution le plus souvent reprochées à l’usage de l’avion. Une centrale solaire couvrant une surface de 1km² pourrait produire 20 000L de kérosène par jour ! Ce procédé permet également une production industrielle à un coût acceptable.

Vers une aviation 100% électrique ?

Comme deuxième espoir d’une aviation plus verte : des aéronefs 100% alimentés en électricité. Nous connaissons déjà les voitures électriques présentes sur le marché et déjà employées par beaucoup d’usagers mais l’aviation n’en est qu’à l’élaboration de prototypes et l’expérimentation comme la FFA avec le Fab Lab et l’Alpha Electro, ou encore le projet de UBER et Hyundai de créer des taxis volants 100% électriques pour 2023. Les deux entreprises souhaitent produire ces appareils à grande échelle pour permettre des tarifs raisonnables et prévoient déjà de quoi contrer les nuisances sonores possibles en optant pour des petits rotors.

L’aviation électrique exploite cinq caractéristiques principales des moteurs électriques :

  • Leur très forte densité de puissance : 5 à 6 kW/Kg aujourd’hui, et plus de 10 dans un avenir plus ou moins proche
  • Leur très haut rendement énergétique
  • Leur très grande compacité
  • Leur très faible coût, tant en acquisition qu’en exploitation
  • L’absence d’émissions « nocives » (CO², Nox mais aussi le bruit)

Ces caractéristiques permettent d’envisager deux évolutions majeures dans l’architecture des aéronefs :

  • La propulsion distribuée : la multiplication de moteurs électriques permet de revoir les stratégies de fiabilité (la panne d’un moteur est abordée différemment si l’aéronef n’a qu’un autre moteur disponible ou s’il en a 19 autres).
  • Le soufflage (ou aspiration) des surfaces : des moteurs placés sur une voilure permettent de la souffler et d’en améliorer le rendement aérodynamique (amélioration directe de la portance et indirecte de la traînée), et des moteurs astucieusement placés sur le fuselage, permettent d’aspirer la couche limite et d’en réduire sa traînée.

Pour l’instant, et dans un avenir proche, la propulsion 100% électrique n’est pas envisageable pour les avions commerciaux même de petites tailles, et encore moins dans le cas des avions long-courriers pour lesquels le rayon d’action dépend directement de la performance énergétique.
L’avion électrique d’aujourd’hui est comparable au Blériot XI au début du XXe siècle. Il y a donc encore du chemin avant d’arriver aux performances du Concorde.

Les agrocarburants : futurs remplaçants de l’actuel kérosène ?

Lorsque l’on entend « agrocarburant », on imagine très certainement un carburant à base de jus de carottes ! Il s’avère pourtant être possible que ce soit le cas.
En effet, les agrocarburants sont des biocarburants de première génération qui sont des combustibles liquides obtenus à partir de matières organiques végétales, cultivées spécifiquement pour cet usage.
Les agrocarburants utilisables par l’aviation sont produits à partir de la filière biodiesel, qui utilise comme matière première des huiles de colza, de palme, de tournesol ou de jatropha curcas. De nombreux critères entrent en jeu : pouvoir lubrifiant, compatibilité avec les matériaux, élimination des composés aromatiques et du soufre qui provoquent d’autres formes de pollution. Aujourd’hui, des procédures de certification de carburants alternatifs pour l’aéronautique ont déjà été engagées, et des vols expérimentaux ont déjà eu lieu.
Depuis quelques années, des recherches se sont engagées pour développer une seconde génération de biocarburant. Il s’agit de valoriser d’autres sources de biomasse agricoles comme les pailles de céréales ou les résidus de bois et les déchets organiques.

Caricature sur les agrocarburants

A plus long terme, des biocarburants pourraient aussi être produits à base de microalgues : ce sont des cultures plus efficaces que le colza ou le tournesol mais c’est également une culture qui nécessite de très importants apports en engrais et substances chimiques afin d’inhiber la croissance des bactéries. Certaines équipes qui travaillent sur le sujet utilisent des OGM, ce qui pourrait nuire à la mise sur le marché. Egalement, le rendement de conversion de l’énergie solaire en biomasse par les microalgues reste quand même très faible et nécessite de très gros volumes, et donc de très grandes surfaces.
De plus, selon la façon dont ils sont produits, les agrocarburants ne sont pas neutres, car leur culture, ou la déforestation pour permettre leur culture, dégradent le bilan carbone et modifient certains équilibres de la vie animale (exemple le plus marquant avec les orangs outangs qui voient leur espace vital disparaître au profit des cultures de palmier à huile).
Enfin, la production de biocarburants, peut interférer avec des filières à vocation alimentaire, la production subventionnée de biocarburant étant plus rentable que les cultures destinées à l’alimentation des bovins ou des Hommes.

L’hydrogène, l’électrique ou encore les agrocarburants sont les trois potentielles solution à la réduction de l’impact du transport aérien sur le réchauffement climatique.
Cependant, ces trois méthodes, pour leur exploitation ou leur production, sont tout autant nocives, voire plus, sur l’écosystème et le réchauffement climatique.
L’avenir de l’aviation 100% verte reste donc incertain et lointain, mais ne reste pas impossible dans ce futur qui nous est encore inconnu.

Sources : Aviation et Nouvelles énergies – Science Mag Nov. 21, 2018
Décarbonons les carburants ! – Info-Pilote 764
L’aviation électrique, une vision industrielle – Magazine Innovation
Taxis volants c’est pour quand ? – Info-Pilote 776

Transition écologique de l’aviation : projet ambitieux ou utopie ?

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